Ne soyez pas étonné que j’utilise ici le terme de marathon car je me base sur l’équivalence d’effort entre la natation et la course à pied en me basant sur le ratio de 1 pour 4 qui transforme donc un 10km en natation eau libre en un effort équivalent à un marathon (ou presque) en course à pied. Bien sur l’analyse ci dessous doit s’adapter au fur et à mesure que l’on entre dans l’ultra distance pour nager (ou courir) 25km ou plus encore lors d’une traversée et se pose alors la question, nager 25km équivaut il toujours à courir 100km?
Mais notre point de vue aujourd’hui et de préparer un 10km voire un enchainement, en 24h de deux épreuves de 10km à la nage comme cela va se passer sur 2 épreuves de coupe de France cet été pour votre serviteur. Il faudra fini vite et pouvoir nager les deux épreuves en ayant bien récupéré et donc en restant bien hydraté.
Pour un nageur qui maitrise le 5km et qui désire passer à une distance plus longue il est facile de trouver une épreuve de 10km distance olympique oblige les organisateurs ont tendance à homogénéiser leurs distances alors que le calendrier Fina proposait encore il y a peu des épreuves bien plus longues. Mais plaçons nous dans le cas d’un athlète qui nage correctement un 5km et arrive moins de 30 minutes après les premiers, soit en moins de 1h25.
Les ravitaillements apparaissant seulement pour les épreuves de plus de 5km il va falloir aussi appréhender ce nouvel enjeu pour réussir à doubler la distance sans s’effondrer en terme de vitesse. Pour cela une stratégie de nutrition est nécessaire. Il s’agit de boire ou de manger depuis un bateau ou un ponton où on tend ou jette au nageur de quoi se sustenter sans que celui-ci ne prenne appui sur quoi que ce soit durant cette phase, il reste dans l’eau et se maintien à la force des jambes à la surface.
Se pose pour le nageur (ou la nageuse) plusieurs séries de problèmes à prendre en compte :
1/La fréquence de ravitaillement, doit il compter sur le seul approvisionnement de l’organisation ou doit il emporter des vivres?
2/La composition des dits ravitaillements : l’athlète doit il privilégier des gels, du solide ou du liquide uniquement, se satisfaire d’eau pure ou d’une boisson énergétique, doit il favoriser un apport en sel et en vitamines?
3/La quantité de liquide, ou de solide, à chaque prise selon quelle base l’athlète doit il prévoir ce qu’il peut ingérer en terme de quantité chaque heure de course en fonction de son gabarit mais aussi des conditions de course. Quelle est l’influence de la température extérieure lors d’une course d’endurance?
4/Enfin la prise d’antidouleur au cours de la traversée est elle une pratique envisageable d’un point de vue éthique, cette question ne me serait pas venue à l’esprit si la composition des boissons des nageurs de certains forums spécialisés ne contenait pas régulièrement de l’ibuprofène.
Voilà les différents aspects que nous allons survoler ici afin d’apporter quelques éclairages sur des principes de base qui devront s’adapter au cas particulier de chacun bien entendu, la taille et la masse de l’athlète étant un critère déterminant.
Premier point pourquoi se ravitailler?
Cela peut paraitre évident mais je suis sûr que beaucoup ont du se sentir capable de nager plus de 5km ou donc de nager plus de 20km sans boire ou manger. Pour autant lorsque l’on parle de performance et donc d’une allure qui permet de boucler cette distance marathon en moins de 3 heures il faudra en passer par une nutrition étudiée et maitrisée.
Car la dépense calorique en natation (comme ne course à pied) va être importante mais impossible à chiffrer d’un point de vue absolu, partons du profil suivant, plutôt un nageur pour l’occasion, 1m90 pour 85kg qui consommera plus de 800 calories à nager 5000m en un peu plus d’une heure.
Or ce corps s’il abrite un bon nombre de calories ne dispose que d’une réserve limitée de glucides qu’il pourra utiliser au cours d’un effort long, entre 1700 et 2000 calories stockées dans les muscles ou le foie.
Pour autant l’énergie stockée, disons ici autour de 1900 calories, ne sera pas assez élevée si l’effort se prolonge dans notre cas au delà de 2h30 de nage ou de course intense, il faut donc compenser par un apport calorique régulier.
Problème, les règles sont les suivantes il est très difficile d’aller à l’encontre de la physique soit1gm/kg/heure soit 340 calories pour nos 85kg et guère plus de 800-1000ml de liquide par heure (notre prototype mesure 1m90 il peut donc dépasser les 600 ou 800ml de liquide à l’heure auxquels peuvent se limiter les plus petits gabarits) ce qui est un point important car la seule chose dont le corps ne pourra se passer c’est de l’eau en plus de cet apport en glucides.
Si chaque heure nous brulons presque 800 calories (peut être plus si l’eau est froide) et qu’il n’est possible d’ingérer que 350 calories par heure on ne fait que repousser le moment où le corps devra aller chercher de l’énergie ailleurs, dans le gras précisément. le processus en question fonctionne grâce à l’insuline, la même qui régule le taus de sucres dans le sang et qui stocke les sucres non brulés dans les cellules adipocytes. Mais le destockage en question est un processus actif plus compliqué qui ne se fatigue sous la contrainte d’une activité physique.
Alors la règle semble s’établir d’elle même il faut ingurgiter du liquide et du sucre (je reviendrai plus tard sur la composition de la partie sucrée) assez régulièrement et ne pas oublier le sel que l’on perd dans la transpiration et qui malgré sa présence dans le milieu marin dans lequel on évolue et qui s’il irrite le cou et les bras ne vient malheureusement pas compenser les pertes.
Boire de l’eau pure seule sera inutile pour ce qui est de l’apport en calorie mais également d’un point de vue de l’hydratation car elle sera très vite digérée et évacuée dans les urines. Vient ensuite le problème des troubles digestifs, un peu comme en course à pied où l’estomac, et les autres organes, est abandonné, sur ordre du cerveau, par le sang qui se dirige vers la surface de la peau pour se rafraichir et qui se fait balancer de gauche à droite à chaque foulée, en natation il se retrouve à l’horizontale à être balloté par la houle qui n’est pas une position plus confortable.
Voilà pourquoi il faut aussi arrêter de manger suffisamment tôt sur le vélo lors d’un ultra longue en triathlon pour permettre au corps de débuter la digestion du solide ingéré lors des 180 km, pour ne pas souffrir de crampes d’estomac lors du marathon. Mais ici notre nageur prépare un « simple » marathon donc un effort tout à fait assimilable sans avoir à manger solide. Qu’en est il des gels qui peuvent paraitre se situer à cheval entre les deux mondes, sont pratiques à emporter et « garantissent » un apport nutritif « idéal ».
Parfois on les associe aussi à des nausées ou à un mal de ventre. Lorsque les gels sont souvent montrés du doigts il est pourtant plus à craindre que ce soit le manque d’habitude qui soit responsable du malaise. Pour autant ils ne sont pas à l’abri de toutes critiques car cette solution ni vraiment solide, ni liquide, est en fait rarement bien dosée en terme d’apports nutritifs. Je renvoie ici à une étude assez sérieuse de Nicolas Aubineau sur la composition des gels qui montre malheureusement le manque de vitamines et de minéraux notamment. Je rappelle aussi le prix au kg de ces petits paquets de plastiques facile à stocker et encore plus à jeter en plein milieu de l’océan qui reste un argument de poids pour se tourner vers une nutrition liquide et qui accompagnée de 60 à 90g de glucoses chaque heure parait être la meilleure solution.
Résumons donc notre stratégie, pour une épreuve de type marathon, pour un athlète désirant finir à une allure correcte, celui-ci pourra boire uniquement au moins 600ml par heure contenant 60g de glucose au minimum pour garder un maximum d’énergie. Dans le cas d’un 10km en eau libre et donc d’une épreuve de moins de 3 heures il faudra surtout combler une petite déshydratation et envoyer un message positif au cerveau et aux muscles en ingérant du liquide au même dosage, afin de conserver une vitesse plus rapide surement autour de 85% de sa vitesse maximum tout au long de l’épreuve parfois plus de 90%. Une fois de plus la rapidité d’ingestion du liquide ici favorisera un arrêt court. On peut aussi préférer son propre rythme de nutrition en emportant avec soit un petit paquet souple du type de celui qui contient de la compote liquide qu’on aura rempli d’eau sucrée par exemple pour avoir un ravitaillement personnel.
Au delà de cette distance marathon on pourra envoyer quelques aliments solides du type banane ou barres de céréales afin d’équilibrer encore mieux les apports nutritifs tout au long d’un effort qui se fait à une intensité plus basse mais qui peut durer 10 ou 15 heures qui nécessite de traverser une journée et une partie de la nuit à batailler contre les éléments et contre soi même.
Il est évident que la douleur sera présente lors d’un tel événement et que l’on est jamais préparé à tout ce que l’on va faire subir à son corps le jour j sans compter que l’on a déjà largement parfois dépassé la dose lors de l’entrainement. Si l’accumulation des kilomètres parait nécessaire ça n’est pas non plus un but en soit et on peut toujours privilégier la qualité des entrainements notamment en les diversifiant (vélo plutôt que course à pied par exemple) afin de préserver son capital et de ne pas arriver avec les articulations détruites le jour du défi ou de la course.
Dès lors doit on accepter de prendre des antidouleurs lors d’une épreuve, n’étant pas un fanatique de cette méthode en temps normal et privilégiant d’écouter mon corps pour mieux arriver à guérir je m’inscrirai plutôt contre cette pratique, la douleur mentale ou physique faisant partie du jeu et le reste n’étant qu’assistance médicale et donc assimilable à du dopage.
Éduquez donc votre corps intelligemment lors des entrainements, préparez votre stratégie de nutrition et connaissez vos allures et vos limites, privilégiez l’hydratation pour éviter tout mur auquel on ne pourra faire face après plusieurs heures d’effort et n’allez pas contre les règles de la chimie et de la physique.