Pourquoi notre pratique de l’eau libre ne devrait pas être compatible avec le port d’un restube en compétition :


Depuis la fin de l’année 2018 la fédération française en développant les épreuves sous un label EDF aqua Challenge veut nous imposer le port du restube sur des épreuves d’eau libre comptant (double) pour la coupe de France et donc s’adressant avant tout à des nageurs licenciés et compétiteurs. J’insiste ici sur le fait que la communication de la fédération s’est faite à la fois autour du concept un peu dépassé c’est le cas de le dire de se confronter avec l’élite nationale (junior ou sénior) en eau libre (moins d’une heure au 5km) pour un grand public mais aussi sur des mots tels que « challenge », « défi » ou autre champ lexical que l’on peut retrouver sur des triathlons ou autour de la machine à café un lundi matin pour impressionner ses collègues sédentaires. Il semblerait donc que maintenant que cette discipline de l’eau libre pour se développer ait besoin de ressembler aux supermarchés du sport que sont les marathons, triathlons et autres courses « grand public » qu’il faut traduire par une hausse de l’inscription et par une participation massive (la règle étant 3000 triathlètes minimum dont 50% de débutants et 80% de finishers (un terme qui va arriver chez nous j’en suis sûr) pour IronMan® la marque chinoise qui organise les triathlons du même nom. Et miracle de l’expansion, pour accueillir ces milliers de nageurs (non licenciés si on suit le modèle économique du triathlon) la fédération propose une solution afin de les rassurer dans ce « défi » et leur plaçant un Restube sur le dos.

Ce dispositif est composé d’un sac banane contenant un dispositif de gonflage avec une cartouche de CO2 en aluminium (uniquement celle validée par Restube celles que vous utilisez ou pas pour faire du vélo ne sont pas garanties et un boudin jaune de 7.5 litres relié au sac en question par un leash. Vendu pour permettre au nageur de se reposer les saisissant la bouée qui dispose en quelques secondes après avoir tiré la languette (faussement appelé gâchette sur le site) de 75N de flottabilité (annoncé mais pas certifié). En parle ici de Newtons sachant que 10 Newtons correspondent à 1.01kg force de flottabilité et si cela ne vous dit toujours rien faisons la comparaison avec un bon vieux gilet de sauvetage.


Il existe en la matière 4 normes soit EN393 (50 newtons), EN395 (100 Newtons), EN396 et EN399 et notre système allemand lui ne possède aucun norme mais voudrait se situer entre les 2 premiers qui correspondent à un utilisation en eaux protégées où les secours sont à proximité et garantie la flottabilité seulement à une personne consciente pour le premier ou inconsciente dans le second cas sans en garantir le retournement sur le dos pour autant. Notre dispositif à boudin gonflable souffrant ici d’aucune garantie de fonctionnement ou de déclenchement (aucune norme n’est mise en avant par la société restube) et en se gonflant à une distance raisonnable du nageur ne garantie pas du tout la flottabilité de la personne mais juste de sa remontée vers la surface et en cas d’inconscience ce dispositif ne servira à rien (impossible à tirer et impossible à maintenir à la surface ou à retourner sur le dos).
Car un gilet gonflable dispose d’un système de percussion automatique dont la start up de Karlsruhe ne dispose pas et pas plus que d’une quelconque norme d’utilisation ou de fiabilité dans le temps notamment en cas d’utilisation en eau salée.
On dispose donc d’un objet rassurant peut être mais la peur ou son absence n’éloigne pas le danger et encore moins la responsabilité. En la matière je préfère militer pour la responsabilité personnelle et la formation en club autant à la nage, aux dangers de l’eau libre et aux notions de secourisme afin de pouvoir intervenir lorsque j’évolue dans ce milieu. Mieux vaut donc compter sur soi et se coordonner avec les secours mis en place par la mairie en se renseignant d’abord lorsque l’on va nager et en prévenant le poste de son trajet qui en échange peut indiquer les endroits à éviter (courants ou autres) et les dangers éventuels (méduses ou pollutions). En compétition c’est un peu différent on jour le chronomètre mais on peut aussi permettre aux équipes de secours de mieux repérer les nageurs mais cette visibilité notamment dans des vagues ne se fera que grâce à une bouée de couleur pré-gonflée qui aura l’avantage aussi de ne pas se faire sentir lors de la nage (ou presque pas soyons honnête quand il y a du vent de dos c’est ennuyant).

2019, j’appuie sur la gâchette ou je tire la languette?

On ne pourra ignorer le poids et la contrainte physique sur les lombaires pendant une longue distance mais on ne pourra jamais savoir si le dispositif sera opérationnel lorsque l’on voudra tirer sur le languette pour actionner la gâchette qui viendra percuter la cartouche de CO2 et gonfler le boudin qui on l’espère alertera les secours. Car c’est ainsi que ce dispositif est pensé, pour se reposer ou signaler un problème au secours. Si nous n’étions pas en compétition je pourrais comprendre le principe de vouloir se reposer lors d’un petit swim trek mais alors pourquoi ne pas avoir une bouée déjà gonflée que l’on tirer derrière soit avec dedans ses vêtements, une serviette, une boisson qui en plus permettra aux autres utilisateurs de cette bande des 300mou plus de visualiser le ou les nageurs lors de leur baignade et éviter ainsi un accident avec un jet ski, un bateau sortant d’un port ou de souffrir d’une hypothermie en sortant de l’eau loin de son point d’entrée et de disposer tout de suite de ses affaires afin de se sécher.

Ces bouées à gonfler et à tracter que l’on peut remplir de près de 12kg de vêtements ont d’ailleurs été adoptées par un grand nombre de nageurs en eau libre pour se signaler (aux secouristes qui l’apprécient d’ailleurs)  et éventuellement se reposer si nécessaire. Cette bouée, ou toute autre bouée ne pouvant s’ouvrir, ont été aussi choisi par bon nombre d’organisateurs de traversées qui ont d’ailleurs abandonné le Restube pour tous les problèmes cités plus haut.
Donc nous avons un système ne répondant à aucune norme, ne permettant pas de soutenir quelqu’un d’inconscient ou dont on est pas sûr que l’on puisse l’activer si les mains sont froides ou dans un passage à vide où l’on manquera de force, qui ne permet pas la visibilité et qui pèse sur les lombaires du nageur sans lui permettre d’embarquer quoi que ce soit d’autre avec lui qui lui serait utile (une boisson, un gel, un sifflet…)
Rajoutons que l’on ne peut voyager en avion avec des cartouches et que l’entretien et la vérification du système reste assez obscure. Enfin rappelons que lors d’une nage en compétition peu de personne voudront se reposer en cours de route et que l’on est plutôt dans l’ère du finisher qui se mettra minable pour passer la ligne d’arrivée contre tous les appels de son corps défavorables à ce projet d’une « vie » (crampes, maux de ventes, maux de têtes…) et que ce profil là ne tirera jamais la languette de son restube, de toute façon il nage déjà en combinaison néoprène et la flottabilité de son corps et déjà en partie assurée par les 5mm de Yamamoto de celle-ci.

Rajouter des risques aux risques déjà existants, un effet en trompe l’oeil :

Enfin pour quelqu’un de licencié en eau libre qui veut concourir en coupe de France il arrive que l’organisateur fixe un temps limite (parfois assez court) ce qui voudrait dire que le public visé est plutôt compétitif mais à ce même public que l’on sait s’entrainer en club et participer à 2 ou 3 compétitions ou plus sur  2, 5 ou 10km, on va imposer ce dispositif pour leur sécurité.
Mais malheureusement la sécurité dans l’eau est de la responsabilité du Maire de la commune dans laquelle la compétition ou la nage est organisée (même en dehors de toute déclaration préfectorale ou de simple baignade en dehors de toute surveillance du plan d’eau) dans la zone des 300m. Ce dispositif ne viendra jamais retirer la dite responsabilité à l’élu local et donc l’obligation d’avoir un certain nombre de sauveteurs (BNSSA) sur l’eau et au sol afin de garantir la sécurité des nageurs qui pourraient se noyer. Car dans l’eau le problème majeur est bien celui là, et les secouristes parlent de différentes phases dans la noyades (primaire et secondaire) et de 4 stades allant de l’aquastress à l’anoxie en passant par l’hypoxie. Mais ce dispositif ne pourra être déclenché que dans le cas d’un stade 1 à 3 si et seulement si la victime est toujours consciente, capable de le faire et que le dispositif est atteignable, qu’il fonctionne correctement et que la victime arrive à récupérer le flotteur qui se situera dans son dos. Le montant d’un tel dispositif sur une compétition de plus de 500 nageurs pourrait être réservé à défrayer des sauveteurs et des bateaux ou kayaks afin de sécuriser le parcours complet car en cas d’accident la responsabilité de l’organisateur (et du Maire) sera toujours reconnue avec ou sans Restube. La formation et la prévention, auprès des nageurs licenciés ou non, pourrait aussi bénéficier de ces montants afin de faire connaitre l’eau libre et ses dangers mais aussi ses plaisirs, sans contraintes. Sans communiquer avec un langage anxiogène auprès d’un grand public souvent déjà méfiant à l’idée de nager dans un lac ou un canal.

Rajoutons pour terminer ce charmant tableau que le dispositif va inévitablement occasionner des frottements le long de votre taille ou de vos hanches et donc créer des rougeurs, au mieux, ou des blessures qui rendront les kilomètres de plus en plus compliqués à accumuler notamment quand il faudra rengager le lendemain pour amortir un peu son week end de coupe de France.
Voilà pourquoi en tant que nageur d’eau libre participant depuis 3 ans à la Coupe de France je souhaite refuser le port de cet objet inutile et lourd qui me fait penser à un plan vigipirate ou sentinelle, à savoir totalement inutile et impropre à assurer une quelconque sécurité mais qui rassure et coute beaucoup plutôt que d’être efficace. Je refuse d’assimiler l’eau libre à une pratique qui sans Restube serait inconsciente et je retourne cet argument aux organisateurs qui me l’imposeront, ce sont eux les inconscients et les irresponsables quand ils pensent que mettre 900 nageurs dans l’eau à un départ de Monte Cristo avec un Restube correspond à un critère autre que financier…

Auteur : mountainride

De l'eau libre sous toutes ses formes, des récits de traversées, des voyages, des compétitions.

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