Pourquoi faire des articles complets sur la technique en eau libre, sur les compétitions et leurs préparation, sur la stratégie lors d’une nage marathon ou d’une traversée de la Manche quand la plupart des nageurs ont tout simplement peur de se mettre à l’eau?
Voilà la constat qui s’impose suite à de nombreuses discussions notamment sur les réseaux sociaux ou les bords de piscines lorsque j’invite des nageurs à participer à une sortie en eau libre en mer, en lac, ou en rivière. Je passe rapidement sur une injonction qui est aussi systématique à propos de la qualité de l’eau, nageant la plupart du temps au Liban je dois avouer que c’est absolument désespérant mais je n’aborderai pas ici la pollution de nos eaux de baignades.
Alors qu’est ce qui fait peur à nos baigneurs, d’abord l’effet « Martin Brody », et, contre ça on ne peut pas faire grand chose. Si vous ne savez pas qui est Monsieur Brody et que je vous dis qu’il est le nouveau chef de la police à Amity, non toujours rien?
Il s’agit de Jaws (Les dents de la mer en français) qui depuis le 20 juin 1975 fait passer le banal petit requin peau bleu pour un Carcharodon Carcharias soit un grand blanc de la famille des Lamnidés, un requin qui peut atteindre plus de 6 mètres pour les femelles et qui certes peut attaquer l’homme mais qui est surtout la cible de l’homme si l’on regarde de près les statistique de pêche Versus celles des attaques.

Tout est donc la faute de Steven Spielberg qui met dans la bouche de Matt Hooper et de du Capitaine Quint des récits terribles et qui nous font peur depuis presque 43 ans en nous faisant voir sous l’eau une ombre gigantesque qui jaillit sur nous. Soyons honnêtes on a tous eu la peur de notre vie en voyant un rocher, ou en heurtant un morceau de bois. Pourtant il n’existe que 3 espèces de requins qui mordent l’homme, le tigre, le bouledogue et le blanc et tout ceci dans des conditions de mauvaises visibilité et de nourriture présente près des côtes (eaux usées directement rejetées à la mer). Bref c’est rare, très rare, on plus de chance de mourir d’une piqûre de moustique.
Mais qui d’entre nous à eu la chance de croiser un animal de la sorte en pleine mer, c’est une chance extraordinaire de voir évoluer un requin, et non il ne faut un bateau plus gros le requin la plupart du temps tourne autour du nageur puis poursuit sa route, c’est nous qui intervenons dans son milieu et provoquons sa curiosité. De nombreuses traversées sont interrompues pour ces raisons, la peur de l’attaque faisant plus que l’attaque elle même.
Mais une fois dans l’eau douce, que se passe t-il dans la tête du nageur qui finira bien par accepter qu’aucun requin ne viendra lui mordre le maillot?
Il s’agit là simplement de la peur de la noyade qui ne serait éloignée que par la présence d’autres nageurs ou d’un kayak ou deux, voire d’un bateau ou d’avoir pied à tout moment (la peur du gouffre qui attirerait par le bas le nageur, bien connu aussi des récits en eau libre).

Il existe des moyens de sécuriser sa nage en eau libre. D’abord, quoi de mieux, comme en montagne d’avoir le matériel nécessaire, ici pas de pelle ou de sonde mais une bouée qui pourrait supporter le poids du nageur en cas de moins bien et qui surtout le signale à des sauveteurs prévenus à l’avance ou à des bateaux rencontrés en chemin. Prendre l’avis des professionnels parait aussi nécessaires pour comprendre les courants, la marée, la météo et passer par une longues phases d’observations pour comprendre notamment comment on sortira de l’eau si les choses se gâtent notamment les vagues qui pourraient rendre cette fin de nage très compliquée et dangereuse.
Mais au risque de choquer mon lectorat je dois préciser qu’en ce qui concerne la noyade, là aussi les productions hollywoodiennes sont responsables de bien des clichés et qu’il est rare de pouvoir y faire quoi que ce soit, à moins d’avoir sous la main des professionnels performants et rapides.
Il faut en effet, avoir eu une bonne formation de sauveteur pour savoir quand réagir à une noyade car si on attend des éclaboussures et une gesticulation désespérée dans l’eau de la part d’un nageur qui appelle à l’aide, on peut être surpris par ce qu’est réellement ce qu’il faut appeler un étouffement.
En réalité à ce stade la nageur donnera plutôt l’impression de vouloir grimper sur quelque chose qui n’existe pas, il sera presque à la verticale et aura la tête en arrière avec la bouche juste à la surface ses mains seront donc sous l’eau à faire un petit chien et ses jambes ne seront pas vraiment actives, il pourra aussi être sur le dos, plus facile à identifier mais la chose fait peu de bruit et dure rarement très longtemps et ne fait aucun bruit. De là à dire que seul un sauveteur entrainé à repérer cela pourra intervenir il n’y a pas loin.
Voilà pourquoi dans biens des cas la sécurité que le nageur semble avoir mis en place pour se rassurer ne servira pas à grand chose car l’incident peut arriver sous les yeux d’un encadrement complet sans que personne ne sache vraiment ce qu’il doit regarder.

Partant de cette constatation je ne crains donc pas vraiment d’aller nager seul, comme je peux aller faire de la montagne seul, je le fais car j’en tire un réel plaisir et que j’en assume les conséquences par avance si je devais avoir un jour un accident, que je ne cherche pas à rendre coupable mon entourage ou mes compagnons de sorties qui, je le sais par avance, ne pourraient pas faire grand chose contre mon incapacité à rester à la surface. Ainsi je me souviendrai toute a vie de ce touriste que j’ai sorti d’un mauvais pas sur la plage d’Anglet lors d’une session de surf, j’avais alors 16 ans . Depuis, ayant passé quelques brevets de secourisme et suivi des entrainements spécifiques, l’auteur de cet article n’a pu sauver, malgré toute cette préparation, sa propre mère faisant un simple arrêt cardiaque sur terre en pleine journée, il faut savoir l’encaisser.
Voilà 43 ans que Jaws est sorti dans les salles et 43 ans (ou presque) que je nage ou surf très souvent seul pour autant je n’encourage personne à le faire mais j’aimerais tellement que les cours de secourisme soient obligatoires à l’école afin que quiconque puisse intervenir et tenter de sauver une personne en danger.
Petite anecdote sur le film pour finir sur une touche heureuse, on ne voit le requin qu’après 45 minutes de film, et l’angoisse vient surtout de son absence à l’écran qui est simplement évoquée par la musique et la vue à la première personne, mais dans le script original on devait le voir tourner autour de la nageuse nocturne lors de la première attaque mais la maquette du requin n’ayant pas supporté l’eau salé il a fallu trouver un autre procédé, et la force du film est surement dans cette évocation. Retournez le voir et retournez nager…