• La traversée du Lac Léman LGSA classic (dans sa largeur et ce fut long)
Si vous avez aimé l’Italie, vous aimerez la Suisse et à défaut d’alcool vous pourrez boire une bouteille d’Evian à l’arrivée pour accompagner la cuillère de salade de lentille et quelques bouts de pain après 13km et plus à négocier la route avec des kayaks qui ne savent pas où aller.
Voilà à peine deux semaines après Capri je me souvenais que je m’étais engagé un an avant le Covid sur cette traversée que je n’avais pas du tout prévue dans mon calendrier 2022
Heureusement il ne s’agit pas d’une course mais d’une traversée par groupe de niveau, les plus lents partent les premiers et les autres dans l’ordre de leurs allures toutes les demies heures.
Notez bien que l’enjeu n’est pas compétitif mais qu’il y a tout de même, 13km à nager, un marquage des nageurs avec des tatouages, un chronomètre et un classement à défaut de convivialité, de rencontre et d’organisation.
Et effectivement en réalité on se rapproche beaucoup de nos amis italiens avec un briefing du même tonneau la veille au soir avec des diapositives pour faire sa navigation ce qui rappel de mauvais souvenirs et qui fait naitre chez votre serviteur l’idée qu’il existe bien des critères pour définir une traversée mal organisée. La suite me donnera raison.

J’appartiens donc au groupe le plus rapide (prévoyant de nager autour de 1’30/100m) partant le cinquième et dernier de Suisse pour rallier Evian en ligne droite. Mais à mon arrivée sur la plage j’assiste au départ du deuxième groupe puis de tous les autres jusqu’au mien et malgré ma prise de contact avec l’organisation tous ces nageurs ne partent pas du tout en direction d’Evian.
Les facteurs de cette erreur sont multiples et simples. Les nageurs débutants ne savent pas forcément naviguer d’une part, c’est peut être même leur première fois en eau libre et sur une telle distance, on ne voit pas les bouées situées à plus de 2km les unes des autres, et, ils font confiance aux kayaks ou aux autres nageurs. Le biais de confirmation classique, si je suis perdu les autres eux doivent savoir où ils vont, sauf si les autres pensent la même chose que moi.
Et je confirme que les kayakistes, eux, ne savaient pas du tout où aller et de toute façon regardaient les nageurs pour les « sécuriser » et pas du tout pour les guider.
Tout ce petit monde s’entraine hors du parcours lentement mais surement. Le groupe suivant prenant comme repère le précédent et ainsi de suite. Telle une unité d’artillerie qui viserait l’arbre en boule pour toucher au but un ennemi qu’on ne voit pas. Notre groupe décidait de partir bien plus dans l’axe en fixant un sommet plus facilement repérable qu’un arbre, qui nous indique d’ici l’aplomb du point d’arrivée, selon les diapositives.

Si dans les premiers kilomètres tout se passe bien, coopérant avec un nageur italien et sans prendre aucun ravitaillement, l’eau du lac étant suffisant bonne à mon goût. Tout se gâte, après 5 kilomètres, lorsque des kayakistes nous demandent d’abord, puis, nous oblige, à faire route à 45° pour rejoindre je vous le donne en mille, les autres nageurs. Donc nous devons nous détourner dans la route directe pour viser non pas un nouveau sommet ou point repérable mais des nageurs visiblement perdus, et pas du tout en direction de la plage d’arrivée à Evian. Voilà plusieurs minutes en effet que nous les rattrapions et les doublions ne distinguant à peine leurs bouées de sécurités et les bateaux qui les encadraient à près d’un kilomètre sur le côté.
Nous finirons par nous exécuter après une discussion longue et virile, à contre coeur et nous perdons aussitôt le contact avec les deux autres nageurs qui étaient en tête avec nous mais, qui eux, échapperont à la patrouille, ne s’étant pas arrêtés au check point. Ils arriveront avec plus d’une demie heure d’avance sur nous qui avons nagé plus de 15km au total, en doublant pendant 3km des paquets de nageurs épuisés partis 2 heures avant nous, en brasse parfois, déshydratés et perdus probablement, hagards à coup sûr.
Dans la direction dans laquelle nous allions, il nous était impossible de nous diriger car les diapositives ne nous étaient, maintenant, d’aucun secours. Voilà pourquoi, notre duo décidait vers le huit ou neuvième kilomètre de se réorienter et de quitter cette farandole. Nous partirons sans être rappelé à l’ordre par le sous officier kayakiste car personne ne notera notre dérive discrète et volontaire, et nous nagerons ainsi jusqu’au douzième kilomètre où un bateau vient nous proposer un ravitaillement bienvenu et nous confirmer que nous sommes enfin dans la bonne direction à la différence du peloton que nous avons fui.
J’aurais pu comprendre de rallonger la distance pour arriver en même temps que les derniers, une fois de plus ça n’était pas une course. Voire pour ramener d’autres nageurs ou pour des raisons de sécurité réelles en cas de mauvais temps ou visibilité. Mais dans le cas présent la mise en « danger » du moins en difficulté venait de ces équipes qui avouaient ne pas savoir où était l’arrivée et s’acharnaient à faire progresser les nageurs les uns derrière les autres sans se soucier de l’état de fatigue et de la démoralisation qui allait résulter de cette dérive. Ils auraient pu comprendre que nous allions dans la bonne direction et dès lors, comme nous le proposions, de ramener avec nous les nageurs dans le bon axe.

L’arrivée se jouera au sprint juste pour le principe et la suite sera aussi très rapide car nous sommes mis au régime pain sec et eau. Ce n’est pas faute d’avoir fini dans les premiers mais ça ressemble à une sortie de l’eau en 3h après un 10km en coupe de France où il n’y a plus rien à manger. Et comme en Italie, nous trouverons refuge dans une pizzeria
Ici plusieurs choses auraient du m’alerter, le prix encore très élevé pour un 13km en lac, la présence de trop nombreux triathlètes en néoprène malgré une température dans et hors de l’eau très élevée, donc une absence de réglementation et une organisation qui semble faire du team building plutôt qu’une traversée. À tel point que l’organisation me classera longtemps comme ayant nagé en combinaison tellement le fait de nager ne tissu leur paraissait étrange.
Les diapositives et la fameuse croyance dans les « kayaks » pour se diriger dans l’eau alors qu’eux ne sont là que pour « sécuriser » la course. Bien souvent cet acteur des courses d’eau libre est assez proche du bénévole en ultra trail qui vous lance : « 200m de côte encore et après ça ne fait que descendre ». Quand, en réalité, il va falloir encore gravir un col pendant plus d’une heure et qu’on a déjà 70km dans les jambes.
Pour revenir au Léman, le cadre est joli, l’eau est superbe, la ville d’arrivée sympathique, la météo était parfaite, et les nageurs de mon groupe bienveillants, pour le reste ça n’a rien à voir avec de l’eau libre.

Car le point doit maintenant être abordé : de quoi l’eau libre est elle le nom?
Est-elle une sous discipline, trop exigeante qui doit se niveler par le bas en se mélangeant avec des triathlètes en néoprène et armés de montres gps voire de plaquettes à l’avenir? Doit on obligatoirement nommer une épreuve d’eau libre défi ou challenge, faire de la distance un but en soi et ouvrir l’inscription à tous les licenciés d’un autre sport. Un peu comme si une épreuve de vélo de montagne devait se transformer en épreuve majoritairement sur asphalte car des cyclistes sur route ou pire en gravel voudraient y participer.
Au sein de la FFN si l’on a une licence eau libre on ne peut pas prendre part à des compétitions en bassin mais une licence FFTri permet par contre de nager en eau libre en compétition au moins au niveau coupe de France qui devrait être un circuit favorisant les clubs et les nageurs engagés dans cette discipline.
Si cette dernière ne respecte en rien les règles qui ont construit son image, son esprit et celui des participants qui se reconnaissent dans cette communauté alors elle n’a pas d’avenir et à défaut de se développer va disparaitre en proposant une longue distance de 3.8km comme en triathlon lors d’un Ironman®. Des épreuves sous licence privées ou des disciplines plus « fun » comme le triathlon, le swim-run ou le sauvetage côtier finiront par l’emporter sur l’eau libre dont le nom sera alors utilisé comme un sous produit d’un autre sport en ayant perdu notre identité.
Et c’est ainsi que nous arrivons à notre dernière épreuve catastrophe qui s’était tenue un an auparavant et qui est emblématique de cette dérive.